Un prodige qui a signé sa première composition à 8 ans et à 16 ans fut le plus jeune à entrer à la Sacem.
Le poids des années n'a décidément pas d'emprise sur Bruno Lorenzoni. Celui qui fut le premier people axonais, ancien Saint-Quentinois devenu roi du piano à bretelles, vient de sortir chez Warner un nouvel album consacré à la musique classique. Un pari osé transformé de façon magistrale.
Né à Paris en 1935, Bruno Lorenzoni s'installe à Saint-Quentin quelques années plus tard où ses parents achètent un café-hôtel rue de Paris. « C'était mieux que Padam. Mon père m'avait acheté un biniou en carton » se souvient l'artiste. Sans avoir appris la musique, le gamin qui ne sait pas encore ni lire ni écrire, interprète d'instinct les succès du moment qu'il entend à la radio.
Mais c'est au conservatoire de la capitale de Haute-Picardie qu'il apprend le solfège et… le violon. L'accordéoniste en herbe se révèle un véritable petit prodige. « Mon père m'a présenté à M. Boursier qui était alors directeur du conservatoire de Saint-Quentin, il a été époustouflé et m'a qualifié de phénoménal ».
Saint-Quentin : un miracle
A seulement 4 ans il remporte son premier concours. Et malgré son jeune âge, en quelques années il est la vedette que tous les guincheurs de la capitale de Haute-Picardie retrouvent chaque dimanche après-midi. Dans le café de ses parents, accompagné à la batterie par sa sœur Nina, Bruno fait tourner les têtes et les cœurs. Les anciens sont légion à évoquer ces souvenirs. « Saint-Quentin c'est des souvenirs formidables, c'est le début d'un miracle » confesse le virtuose.
Et les souvenirs ne manquent pas. A l'âge de 6 ans, alors que la ville était occupée, il a été contraint de jouer devant des officiers allemands rassemblés à la brasserie de l'Univers, place de l'Hôtel-de-ville.
L'Olympia avec Bécaud, Montand…
Adolescent, il rejoint Paris. L'accordéonneux est vite remarqué, le succès est immédiat. Il accompagnera Mistinguette lors de sa première « Ça ! C'est Paris ! », mais également Joséphine Baker, Piaf, Fernandel, Bourvil, les Compagnons de la chanson, et aussi Yves Montand, Gilbert Bécaud… sur la scène de l'Olympia… Il parcourt le monde pour faire danser de Londres à New-York en passant par Moscou.
Il y a peu publiait un livre « La musique, l'accordéon et moi » dans lequel une large place est accordée à Saint-Quentin, plus que septuagénaire surnommé le « Mozart de l'accordéon », compositeur de plus d'un millier de titres, revient avec un nouvel album « L'accordéon, autrement ». Un CD consacré à Bach, Haendel, Katchaturian, Tchaikowski, Dvorjac, Satie, Gershwin… « Avec le temps on attrape une sagesse naturelle et bénéfique. ».
Ses interprétations « La Danse du sabre », « Lac des Cygnes », ou « Symphonie N° 40 » laissent pantois. Les clichés sur l'accordéon instrument populaire réservé au musette sont réduits en cendres par ce surdoué. La dextérité et la sensibilité harmonique de l'artiste font merveille. « Môme, j'interprétais déjà des œuvres classiques. C'est un répertoire qui touche le cœur, c'est beau et devant le beau tu te trouves tout petit » confie le musicien.
Bref c'est cinquante-cinq minutes de bonheur, pour 17 titres à consommer sans modération.
Eloigné à Vallauris, le village qui accueilli Picasso, Cocteau…, Bruno Lorenzoni n'en oublie pas pour autant Saint-Quentin. « A chaque fois que j'ai l'occasion, je viens dormir à Saint-Quentin face à la basilique, et la nuit quand je ne dors pas je la contemple ».
L'artiste sillonne toujours et encore la France du Nord au Sud et d'Est en Ouest pour la faire danser. Aujourd'hui il aimerait faire mentir l'adage nul n'est prophète en son pays, et donner un grand bal à Saint-Quentin. Croisons les doigts.